Quelque part en campagne française. Capucine a 12 ans.

« Capucine, Magnolia, venez manger. » La voix cristalline de la mère des deux jeunes filles résonna jusqu’au fond du jardin où, les enfants jouaient. L’aînée, Capucine, était assise sur un petit rocher et faisait tremper ses pieds dans le ruisseau alors que la cadette, Magnolia, tentait d’attraper des papillons à l’aide d’un filet. Elles quittèrent leur petit coin de paradis et marchèrent d’un pas lent vers la grande terrasse où la table était mise. Adrien, le plus vieux des trois enfants de la famille était assis et discutait avec son grand-père des différents oiseaux qu’il avait pu observer durant la journée. Les Debussy étaient très unis et passaient pratiquement tous leurs étés ensemble. C’était ce genre de famille à prendre des photos dans des studios tous les ans (chacune d’elles étant accrochée sur un mur), qui allaient à toutes les activités des enfants et qui s’impliquaient beaucoup dans la communauté bayonnaise. C’était une famille aimante et aimée pour qui les valeurs de loyauté, de respect, de politesse, d’amour et de famille étaient très importantes. Les deux parents, Rose et Renaud faisaient de leur mieux pour les inculquer à leur progéniture.

À table, la grand-mère, Iris, imposait des règles d’étiquette très strictes. Elle descendait d’une famille de noble et malgré la disparition de la noblesse en France, elle avait conservé la bienséance, les œuvres d’art, la richesse ainsi que le grand manoir familial. C’est d’ailleurs là que la famille se rassemblait chaque été. « Alors, que pensez-vous de l’aménagement paysager que j’ai fait ? » demanda Iris d’un ton très calme. Capucine retint un rire qui attira l’attention de tous les gens à table. Voyant que tous les regards étaient posés sur elle, certains plus insistants, d’autres exaspérés, la brunette sentie la nécessité de s’expliquer. « Voyons, grand-mère, vous ne faites rien vous-même, avoua Capucine non sans une pointe de gêne. Cela m’a simplement fait rire de vous voir vous attribuer le mérite du travail d’un de vos nombreux employés… » Dès qu’elle eut terminé de parler, un lourd silence s’installa à table. Iris pinça les lèvres démontrant son mécontentement vis-à-vis de la jeune fille. Capucine et sa grand-mère ne s’entendaient que très rarement, mais en dehors de ces petits «incidents de parcours» la famille vivait dans la bonne entente. Sans rien dire, l’enfant se leva de table, déposa sa serviette dans son assiette et se dirigea à l’intérieur du manoir.

« Qu’est-ce qui t’a pris ? » demanda Adrien, appuyé contre le mur de la chambre de sa sœur. Capucine soupira. « Je n’aime pas sa manière d’agir. Pourquoi est-ce qu’il faudrait se comporter comme au dix-septième siècle ? On descend peut-être d’une grande famille, mais plus personne ne tient compte de ça, dit-elle en levant les yeux au ciel. On s’en fout. » Adrien sourit et entoura sa sœur de ses bras. « Je t’aime capout. »


Maison des Debussy, Bayonne. Capucine a 13 ans.

Cela faisait plusieurs jours que Capucine était au lit, sans la moindre force pour se lever ou encore se doucher. Même s’habiller lui était pénible. Elle était fiévreuse et plutôt désagréable avec sa famille, mais on lui pardonnait au vue de sa condition physique. « Maman ! cria-t-elle afin que sa génitrice puisse l’entendre. Maman ! » Rose apparue dans le cadre de porte. Sa mère était magnifique. Ses cheveux étaient longs, épais et bouclés, de la couleur du blé. Elle était grande et mince et son teint pâle lui donnait des airs de poupée de porcelaine. Capucine ne lui ressemblait pas du tout physiquement, ce qu’elle trouvait dommage. « Je veux Chopin, où est-il ? » Au moment même où elle eut fini sa question, le gros chat entra dans la chambre de la jeune fille et sauta sur son lit. « Il est là, sa mère rit légèrement, tu as besoin de quelque chose ? » « Non, merci » Rose déposa un baiser sur le front de sa fille et quitta la chambre. Capucine caressa son chat et fini par s’endormir.

Lorsqu’elle se réveilla, il faisait nuit. La maison était plongée dans le noir et le silence. À ses côtés, Chopin dormait, tout près de sa tête. L’enfant l’embrassa légèrement sur la tête et sourit. Chopin faisait partie de la famille depuis sept ans. Il se faisait vieux, mais Capucine avait espoir qu’il resterait avec elle pour de nombreuses années encore. Elle n’osait imaginer le jour où il ne serait plus. La brunette fut prise d’une énorme envie d’aller au toilette, elle utilisa donc toutes ses forces pour se lever à marcher jusqu’à la salle de bain où elle pourrait se soulager. Lorsqu’elle tira la chasse d’eau, Capucine remarqua que l’eau, normalement jaunâtre, était complètement rouge. Elle jeta un coup d’œil à sa petite culotte et remarqua qu’elle aussi était couverte de rouge. Capucine poussa un énorme cri. Sa mère et son père accoururent jusqu’au toilette où ils trouvèrent leur fille en larmes dans un coin. « Je dois aller à l’hôpital, dit-elle entre quelques sanglots. Je suis vraiment malade » Elle plongea sa tête dans ses mains. Sa maman alla s’asseoir près d’elle et lui demanda d’expliquer ce qu’il y avait. Adrien et Magnolia vinrent également dans la pièce, mais leur père alla les porter dans leur chambre. « Je saigne. Regarde ma culotte… Elle se remit à pleurer. C’est pas normal, je ne veux pas mourir » Rose éclata de rire et caressa les cheveux de sa fille. « Chérie, ça n’a pas rapport avec le fait que tu sois malade. Tu as simplement tes règles, mais je conviens qu’elles ne sont pas arrivées au bon moment. »